dimanche, mars 13, 2005

La grève étudiante comme moyen de pression.

Depuis quelques années, on voit de plus en plus de soulèvements étudiants qui prennent les rues pour des revendications en déclenchant une ‘grève générale étudiante’. Mais à quel point ce moyen de pression est-il efficace?

Habituellement, quand des travailleurs font la grève, c’est qu’ils savent que leur absence prolongée au travail va avoir des conséquences économiques directes pour leur employeur. Et généralement l’employeur ira négocier en sachant qu’il ne peut pas légalement renvoyer tout son personnel pour le remplacer par d’autres qui sont prêts à faire le travail qu’il demandait à ses employés pour les conditions qu’il offrait.

Mais quels services fournissent les étudiants? Quelles sont les pressions qui sont vraiment ressenties par cette grève?

Les étudiants prétendent que si leur session est mise en péril alors les gradués de l’hiver 2005 ne pourront pas remplir leurs fonctions cette année. Donc : pas de médecins, d’avocats, de comptables, ou encore d’ingénieurs en tous genres. Mais dans le fond, tous ces hôpitaux, cabinets d’avocats, de comptables ou firmes d’ingénieurs ne vont-ils pas tout simplement voir cela comme une manne céleste? Après tout, pour eux, c’est la chance d’engager quelqu’un de pratiquement gradué à un salaire de stagiaire. Pour ces finissants, c’est une chance en or de se faire de l’expérience pratique et de tâter le terrain pour être dans une meilleure position pour se négocier un salaire ‘de rigueur’ dans l’industrie plutôt que de se contenter de la première offre de l’employeur.

Qui donc sera puni par cette grève? Les universités qui n’auront pas un lot d’étudiants pour la rentrée 2005? J’ai déjà vu plusieurs étudiants être acceptés à l’université sans DEC. Il sont acceptés conditionnellement à la complétion de leur diplôme collégial à court terme mais elles ne se privent pas d’accepter un étudiant (avec les montants que celui-ci injectera dans l’institution de son choix par ses frais de cours et les subventions qui sont directement proportionnelles au nombre d’inscrits) juste à cause de ce qui est essentiellement une formalité dans plusieurs cas. On a même fort à parier que cette règle se verra assouplie encore plus question de ne pas impacter trop négativement les inscriptions de l’année prochaine si le conflit présent devait perdurer.

Et quel est l’intérêt du parti au pouvoir de supporter ces manifestants quand les jeunes sont reconnus comme n’étant pas un segment de la population qui vote en grande proportion. Si d’un côté on a un groupe de jeunes (aussi engagés soit-ils) qui demandent de l’argent et de l’autre une poignée de gens fortunés qui contribuent au parti fréquemment qui demande des exemptions d’impôts, c’est probablement ceux qui beurrent les épinards des gens au pouvoir qui vont gagner.

On pourrait arguer qu’en refusant les demandes des étudiants les gens au pouvoir se mettent à dos les électeurs de demain. Mais puisque le chef du parti risque d’être remplacé d’ici à ce que les électeurs de demain se mettent en branle et que leur vote soit un peu plus fiable, il n’a donc aucun intérêt à défendre sa position sur un terme aussi prolongé. Et si on regarde Jean Charest en particulier, avec le taux d’insatisfaction envers son mandat frôlant le 70%, ce n’est pas une poignée de mécontents de plus qui feront la différence.

Je pense qu’ultimement l’argument de la pénurie de nouveaux arrivants sur le marché du travail reste la meilleure carte des étudiants. Par contre, je crois que cette carte ne peut être efficace que si les étudiants sont prêts à faire de cette grève un conflit à très long terme. S’ils peuvent prolonger la grève sur plus d’un an cet argument va gagner un poids énorme que les élus ne pourront plus ignorer. Mais je ne pense pas que le mouvement ait suffisamment de cohésion et de structure pour faire durer la grève aussi longtemps. Après tout, la plus longue grève étudiante a duré seulement 5 semaines.

Je ne peux pas m’empêcher de me questionner : si les étudiants ont le droit de faire la grève, qu’en est-il des institutions dévouées à l’éducation? Peuvent-elles faire un lock-out afin de s’assurer un financement adéquat de la part de l’état? Ou encore pour exiger une hausse des frais de scolarité?

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