Je sais que certains de mes amis qui me lisent vont avoir une opinion moindre de moi quand je vais avouer ce secret: j'aime bien, quand je n'ai rien d'autre à lire le midi, me taper le Journal de Montréal. Oui, je suis conscient que c'est un autre tentacule de la pieuvre Québecor, que les articles sont sensationnalistes et parfois ne sont rien d'autre que de la pub à peine déguisée, que de m'exposer à cette publication augmente mes chances de pourrir du cerveau. Mais le format fait sur une table de resto et il se lit bien en une heure.
Toujours est-il que dans la section Sports du Journal de Montréal d'avant-hier (édition du 15 août) on parlait évidemment de l'omnium de tennis qui vient à peine de finir à Montréal. Mais un article des plus anodins m'a accroché. C'est l'espace dévoué aux "secrets des tennismen". On y apprend des trucs super édifiants comme: le plus 'lambineux' serait Rafael Nadal puisqu'il est toujours dernière minute, qu'Agassi est considéré comme le tennisman le plus poli, etc. À date, rien de trop grave. Jusqu'à ce qu'on trouve l'entrée: "Les plus belles foufounes" dont le prix est décerné à Rafael Nadal et un autre joueur dont j'oublie le nom avec la mention: "vous comprendrez que ce choix appartient uniquement aux dames".
Sur le coup, j'ai eu la même réaction que quand l'animatrice de radio a lu cet extrait le matin même en ondes. Un petit haussement d'épaule pour un entrefilet inintéressant dans une section que je survole plus que je ne lis dans un des journaux les moins bien vus de la métropole. Environ dix minutes plus tard, alors que je m'apprête à retourner travailler en disposant de mon journal, ça me frappe. Un sentiment d'indignation absolument indélogeable.
Je suis atterré par ce que je lis. Premièrement: on insulte l'intelligence éventuelle d'un lecteur en utilisant l'euphémisme le plus crasse pour désigner les fesses. Deuxièmement: on prétend qu'il y a juste les filles qui regardent les fesses des gars alors que je connais un quartier au complet sur l'île même où les hommes sont reconnus comme portant une attention particulière aux fesses des gars. Troisièmement (et c'est là-dessus surtout que je me fâche): c'est la façon tout à fait anodine avec laquelle on réduit ces joueurs de tennis à des morceaux de viande sans qu'il n'y ait de levées de boucliers.
Imaginons que nous sommes dans cet univers futuriste de "dans deux semaines" et qu'à la conclusion de l'omnium féminin, on fasse une entrée dans le journal sur la joueuse de tennis qui a les plus belles fesses ou les plus beaux seins ou encore le décolleté le plus aguichant. Moi j'ai fort à parier qu'un groupe de féministes (allant d'une poignée à une armée) va se lever en criant haut et fort "DISCRIMINATION! EXPLOITATION! GANG DE MACHOS!". À ces dames, je dis: "Si vous n'avez rien dit pour les fesses de Nadal, fermez vos gueules et rassoyez-vous, vos cris hypocrites tombent dans des oreilles sourdes".
Pour paraphraser les Cow-boys Fringants, je suis né dans les années soixante-dix dans un Québec en plein changement. Quand j'étais jeune, c'était pratiquement correct de mettre toutes les femmes dans des bikinis et de les garder ignorantes dans la cuisine à élever des enfants. Le mouvement féministe a bien fait d'introduire des femmes dans des positions de pouvoir dans le milieu du travail. Mais ce qui m'écoeure de ce mouvement c'est que ses défenseurs et ses pratiquants ne se sont pas rendu compte qu'a regarder dans l'abysse, l'abysse nous regarde.
Quand je vois qu'on censure un commercial où Paris Hilton se trémousse en bikini sexy et couverte de mousse pour vendre un hamburger, j'approuve. Quand je vois qu'une annonce de Coca-cola diète se rend à la télévision et qu'on y voit le gars méga pétard qui se déshabille devant ces dames en changeant la bouteille d'eau pendant que celles-ci le mangent avec leurs yeux, ça me répugne. On objectifie l'homme aujourd'hui comme on objectifiait la femme autrefois, mais ça personne n'en parle.
Oui mais Luc, me dira-t-on, les gars ont déshabillé des filles pour vendre de tout depuis des années, qu'est-ce qu'il y a de mal à ce que les femmes le fassent à leur tour? Ce qu'il y a de mal, c'est l'hypocrisie de la chose. On ne peut pas décrier l'un et ne pas décrier l'autre sans avoir l'air hypocrite. Si on prend l'exemple à l'extrême (et je suis conscient de l'hyperbole): les peuples africains ont été réduit à l'esclavage pendant des années aux Etats-Unis, cela rendrait-il justifiable que des pays africains viennent kidnapper des américains pour en faire des esclaves?
Quand j'étais tout jeune (j'oublie l'année, j'étais vraiment très jeune) on a fait tout un plat parce que les tavernes étaient enfin ouvertes aux femmes. Mais aujourd'hui il est relativement commun d'avoir des gyms ouverts seulement aux femmes. Il y en a même un en haut de ma rue dans ma petite banlieue tranquille qui fait partie d'une franchise seulement accessible aux femmes. J'aimerais que quelqu'un m'explique la logique de "pourquoi est-ce répréhensible d'empêcher une femme d'entrer dans un lieu public mais pas d'empêcher un homme de rejoindre un club d'entraînement"? "C'est parce que les gars nous regardent comme des gros cochons dans les gymnases" me diront certaines. Soit, je concède le point, certains hommes sont des porcs. Mais pourquoi ne pas instaurer une politique de "période probatoire". Pourquoi refuser l'accès aux hommes gais qui eux en ont sérieusement rien à branler de ce que vous pouvez avoir l'air. Pourquoi renier que certaines femmes se rincent l'œil autant que les hommes dans les gymnases.
Mais pour revenir à mon propos initial, ce n'est pas tant les propos insipides de l'auteur de l'article (un certain Mario Brisebois) qui me frustrent, c'est que, encore en paraphrasant les Cow-boys Fringants, le problème de ma patrie c'est qu'il n'y a personne pour s'indigner. Pour s'indigner que ce qui est inacceptable pour un segment de la population l'est pour un autre. Mesdames, si vous vous insurgez parce qu'une chaîne de restaurants essaie de nous vendre le corps de la poupoule de l'heure au lieu du menu offert, je montrai aux barricades avec vous si vous me promettez d'en faire autant quand la même chaîne de restos va faire le même manège avec le pitou de l'heure. Mais si vous continuez de passer sous silence le traitement réservé aux hommes auxquels il me semble qu'on accorde le même respect qu'à du bétail reproducteur un peu niais, vous risquez de perdre un collaborateur de ce côté-ci de la tranchée de la guerre des sexes.
mercredi, août 17, 2005
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3 commentaires:
Puisque tu t'indignes des fesses de Nadal, ça nous donne donc le droit de nous indigner des fesses des tenniswoman...
Je te cite : «Oui mais Luc, me dira-t-on, les gars ont déshabillé des filles pour vendre de tout depuis des années, qu'est-ce qu'il y a de mal à ce que les femmes le fassent à leur tour? »
Mais (Luc, puisque tu t'appelles Luc) ce ne sont pas les femmes qui déshabillent les gars pour vendre de tout, maintenant! Ce sont les mêmes publicistes qu'avant...
Et le fait de déshabiller un gars dans une pub, n'est-ce pas une façon de démontrer, par l'absurde, comment une femme peut se sentir quand on la traite comme de la viande?
Ton indignation sur les fesses de Nadal en est la preuve, et elle me réjouit!
En attendant, on pourrait laisser la démonstration par l'absurde faire encore un peu son chemin dans les esprits plus rudimentaires que le tien, car ils en ont encore bien besoin!
Mais indignez-vous, indignez-vous.
En fait je n'ai rien contre les fesses de Nadal, à la limite de ma connaissance elles sont probablement assez chouettes mais n'y ayant jamais eu accès moi-même je me perd en spéculations.
Ce qui me purge c'est que si on déshabille un gars, c'est "pas grave" mais si on réserve le même traitement à une fille c'est sexiste.
Pour moi la preuve par l'absurde de ce qu'une femme peut ressentir quand on la déshabille c'est RBO qui l'a fait en reprenant "simply irrisistible" avec des beau mecs poilus qui se trémoussaient et minouchaient.
Ce qui m'étonne dans ce commentaire, c'est que l'auteur de la théorie des fesses ne soit pas Marie PLourde. J'ai souvenir d'un texte il y a quelques années, où elle proposait à ses lecteurs les plus belles fesses des joueurs des Expos! Très édifiant ça aussi...
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